26 janvier 2013

Ignotus Beatus

Le vieux Socrate radotait: "je sais que je ne sais rien".

Platon son disciple, Aristote après lui, les innombrables philosophes à travers les âges, et moi y compris, tous nous n'avons rien compris.
Tous, à quelques exceptions près, nous avons parlé de connaissance, de savoir.
Tous, nous utilisons concepts et théories pour tenter de saisir la réalité.
Tous, nous décrions les sceptiques et les béotiens qui songent à remettre nos belles certitudes en question.

-Vous les philosophes, perdus dans vos grandes théories, me direz-vous.

Certes.

Mais est-ce vraiment un vice propre aux théoriciens?

Nous atteignons il faut l'avouer, un certain raffinement dans l'erreur. Et fous que nous sommes, nous tirons même de l'orgueil de la complexité chirurgicale toujours grandissante de nos systèmes.

Mais je crois profondément que les déboires des philosophes ne sont que l'illustration des problèmes de tout un chacun.
Le propre du philosophe a toujours été de mettre le doigt là où ça fait mal, et Socrate le premier.

Finalement, n'explicitons-nous pas les fondements implicites de tous les fonctionnements quotidiens, les vôtres inclus?

Soyons honnêtes envers nous-mêmes: nous utilisons tous et à chaque instant des concepts, des catégories pour tenter de saisir notre environnement.
Nous cherchons tous des théories pour le comprendre, l'expliquer, le contrôler.
Nous avons tous besoin d'un système pour nous définir, pour nous situer, pour pouvoir fonctionner.

Le problème que je vois est qu'aucun mot, aucun concept, aucun système du plus fruste au plus sophistiqué, n'est capable de nous donner cette connaissance que nous cherchons si avidement.

Ce n'est somme toute que logique. Comment une construction mentale pourrait-elle nous mettre au contact de la réalité non-mentale?

C'est la conséquence peut-être la plus grave de la soif de connaissance intrinsèque à nos esprits: nous construisons tous notre système, et pire, nous croyons qu'il est la réalité.

Tragique méprise! 

Tout ce que nous faisons, c'est de nous construire notre propre prison. Et plus ses barreaux sont subtils, plus il est facile de les oublier...

Mais ce n'est pas tout, non contents de nous enfermer nous-mêmes dans nos certitudes illusoires, nous prenons un malin plaisir à capturer les autres pour les enfermer à leur tour dans de jolies petites cages catégorielles.

Vous admettrez que cela n'est pas bien charitable. Mais faisons-nous réellement autre chose de nos proches, collègues, connaissances, etc. ?

J'affirme que vouloir décrire, connaître, comprendre les gens et les choses, n'est rien d'autre que les réduire à des pièces dans notre échiquier mental, dans notre petit monde privé que nous gouvernons à notre guise.

Mais alors, que faire? Doit-on pour autant se résigner au solipsisme, sans jamais connaître rien ni personne?

J'en doute. Ce serait un aveu de faiblesse que nous sommes tous bien trop orgueilleux pour endosser, et à juste titre.

Non, il ne faut pas baisser les bras, mais ne faut pas non plus se bercer d'illusions.

Nous avons en nous ces ressources incroyables qui nous permettent d'aller vers le monde, d'hypothétiser, d'avancer.

Mais ayons l'humilité de reconnaître que nos constructions mentales restent des constructions mentales, que nous essayons de comprendre l'autre et le monde, mais sans les saisir, les réduire, les instrumentaliser.

La connaissance n'est peut-être qu'une première tentative, un premier pas.

Quand nous serons comme Socrate, assez sages ou assez fous pour connaître notre inconnaissance, alors nous serons en mesure de commencer le deuxième voyage, celui vers la Rencontre avec l'autre et avec le monde, et qui sait, peut-être du même coup vers l'émerveillement et vers le Bonheur?

9 janvier 2013

Bénédiction

"Puisse la permanence des astres t'être un appui dans l'amplitude indéfinie de l'univers et leur lumière illuminer les ressentiments sombres dans ton esprit..."    P.