12 août 2012

Réunification

Ô Aristophane,

Je comprend maintenant ce que tu as essayé de décrire.

Je comprend l'incompréhension de tes contemporains comme de tes lecteurs à travers les siècles.

Je comprend ta résignation, et ton lâcher-prise face à l'hilarité que tes mots ont pu provoquer.
L'hilarité et la moquerie sont souvent symptômes d'aveuglement et d'incompréhension...

Il existe des réalités, des phénomènes, qui ne peuvent être qu'expérimentés, vécus.
Ils ne sont pas traduisibles dans notre langage, si raffiné soit-il.
Ils ne sont pas saisissables, ni même descriptibles, malgré tout l'arsenal conceptuel à notre disposition.
Même si le dit arsenal s'est étoffé durant les milliers d'années qui nous séparent...

Je te rend hommage, ô Aristophane, d'avoir malgré tout tenté de dire l'indicible, au prix de passer pour un fou aux yeux de la postérité.

Je te rend grâce, ô Aristophane, d'avoir malgré tout transmis le mythe qui tente de décrire l'état que je découvre aujourd'hui.

La vie parfois échappe à la saisie de la raison, et quand c'est le cas...

Je juge sage pour l'être rationnel de savoir interrompre pour un temps sa soif inextinguible de contrôle, de "Griff", et de simplement prendre le temps de vivre, de ressentir ce qu'il ne peut même décrire, tout en remerciant l'univers de lui donner la chance d'expérimenter de si profondes, belles, intenses réalités.

Tu vois, ô Aristophane, où m'ont menés tes mots, et ma vie.

Je souhaite, ô Aristophane, que tu aies connu toi-même le bonheur et la Vie que je connais moi-même aujourd'hui, ces réalités que tes mots, tout imparfaits soient-ils, m'ont aidé à tenter à mon tour de décrire.

Tu ne seras pas oublié, ô sage parmi les fous, ô fou parmi les sages...

8 août 2012

Paradox #3


Pourquoi suis-je toujours si lucide le soir alors que je devrais m'endormir?
Pourquoi suis-je toujours si endormi le matin alors que je devrais être lucide?

6 août 2012

Compassion mêlée d'Angoisse



Confronté à certains comportements parfois extrêmes que des personnes catégorisées comme "malades" peuvent adopter, ainsi qu'à la détresse profonde de ces mêmes personnes lorsque la lucidité leur revient, je ressens ce mélange si particulier d'émotions a priori contradictoires.

Leur douleur, leur détresse résonnent en moi, j'ai mal pour elles, avec elles. Appelez cela de la pitié, de la sympathie, de la compassion peu importe. 
Les yeux hagards, le corps fatigué jusqu'à brisé, l'âme torturée, la détresse de se rendre compte que l'on n'a pas le contrôle de ses actes, la honte d'avoir fait du mal autour de soi, et ce contre sa propre volonté, la peur de voir ce schéma se perpétuer...

Je ne souhaiterais pas ce supplice à mon pire ennemi, si j'en avais un.

Et l'ampleur de la tristesse que je partage avec ces personnes n'est pas exprimable.

Rare de se retrouver aussi désemparé devant la souffrance d'un être...



De plus, cette faculté de partager intimement le ressenti d'autrui a la conséquence fâcheuse de brouiller la limite généralement si claire et évidente (mais finalement peut-être illusoire) de l'identité, de l'individualité.

Peut-être est-ce un mécanisme de défense voué à rétablir la frontière, peut-être s'agit-il d'une poussée d'égoïsme, d'égocentrisme, ou qu'importe...

Mais la question surgit, telle un éclair aveuglant au travers de la pluie tropicale de ce milieu de nuit: 

Et si c'était moi?

Peur, Angoisse...

Et si demain, je me réveillais dans la peau de cet autre?
Et si la continuité (relative certes) de ma conscience commençait à faire des ellipses?
Et si mes actions ne dépendaient plus de moi?
Et si je faisais du mal aux êtres qui me sont chers?
Et si je retrouvais la vue seulement après les faits?
Et si je savais que ça allait recommencer, encore et encore?

Qu'est-ce que je ferais de mes instants de lucidité?
Que me resterait-il?
Quel échappatoire?
Qui protéger?
Et comment?


Je ne sais pas encore quelles réponses, quelles actions, quelles conséquences je choisirais dans une telle situation.
D'ailleurs, qui peut savoir?


Ce qui me reste maintenant, c'est la conscience de l'infinie valeur de ma propre vie, telle que j'ai la chance de la vivre aujourd'hui, maintenant.
Cette vie pas toute rose, cette vie mouvementée, cette vie ardue parfois, cette vie c'est la mienne.
Et j'ai la possibilité de la contrôler, d'en faire une vie bien.

D'être quelqu'un de bien.

Qui ne s'est jamais entendu dire qu'il faut profiter de l'instant présent, que demain peut être déjà trop tard, que la mort ne prévient pas, qu'il faut cueillir le jour (ô Épicure...) ?

Je l'ai entendu souvent.
Je l'ai pensé parfois.

Mais rarement je n'ai eu aussi intimement conscience de cette chance qui m'est donnée, et de la responsabilité qui va avec.

Responsabilité de faire que cette Vie soit belle, qu'elle soit bonne, qu'elle profite aux autres, qu'elle apporte quelque chose non pas à moi, mais au monde.

Et ce, avant qu'il ne soit trop tard, avant que ma vie ne m'échappe.
Car elle m'échappera tôt ou tard, d'une façon ou d'une autre.



Et maintenant?

Maintenant j'ai du boulot.

Le temps presse, le temps importe peu, le temps n'existe pas.
Seule la vie compte.

Ces mots restent des mots, tant qu'ils ne sont pas matérialisés par ma volonté, par mes actes, par ma vie.



Il me reste à prier le ciel pour que ma vie ne m'échappe pas, pas encore, pas comme ça.
Il me reste à me montrer digne d'elle.
Il me reste à Vivre.




Et il me reste aussi, au fond de moi, cette Compassion mêlée d'Angoisse.